Caméra d’or 2023, le premier long-métrage de Pham Thien An nous plonge au cœur de la montagne vietnamienne. Il vient d’obtenir le prix de la Caméra d’Or pour un premier film à Cannes.
L’avis du magazine Inrockuptibles
Voir naître un cinéaste n’est jamais une mince affaire. Le réalisateur de L’Arbre aux papillons d’or, Pham Thien An, n’a que 34 ans, et s’impose comme l’une des plus belles découvertes de ce Cannes largement orienté senior – de Scorsese à Erice en passant par Bellochio, on ne comptait cette année de nombreux cinéastes octogénaires.
Installé aux États-Unis depuis quelques années, Pham a réalisé des courts-métrages dont Stay Awaken, Be Ready en 2019. Il surgit avec ce premier long-métrage de trois heures présenté à la Quinzaine des cinéastes, où le hasard et la foi viennent hanter la réalité jusqu’à la transformer.
Rêve éveillé
Tout commence à Hô-Chi-Minh-Ville par un accident qui pousse au départ un jeune homme, pourtant simple témoin de la scène, vers les montagnes. Thien doit s’occuper de l’enfant de l’une des victimes, sa belle-sœur, que son frère avait abandonné il y a plusieurs années. Le passage de la ville à la nature évoque un balancier esthétique puissant dans le meilleur cinéma asiatique des trente dernières années, de Hou Hisao-hsien à Apichatpong Weerasethakul. Les choix formels très sûrs de Pham Thien An s’inscrivent aussi dans cette histoire moderne, à coup de plans fixes et longs, traversés par des visions et des murmures, sur un fil entre veille et sommeil.
Si L’Arbre aux papillons d’or assène parfois un peu trop frontalement son discours sur la quête spirituelle de son héros déphasé, il emporte l’adhésion par son extrême sensibilité. Un candidat naturel à la caméra d’or, qui donne envie de voir jusqu’où pourra aller son auteur. Très loin, sans doute.