Le logiciel espion Predator, développé par la société hongro-macédonienne Cytrox et vendu par la société française Nexa, a été utilisé dans une campagne d’espionnage contre des journalistes, des politiques et institutions européennes, en lien avec les intérêts du gouvernement vietnamien, a dénoncé l’ONG Amnesty International lundi.
Cette “opération de surveillance ciblée” a été menée publiquement entre février et juin 2023 sur le réseau social X (ex-Twitter) et a visé au moins 50 comptes appartenant à 27 particuliers et 23 institutions, détaille un rapport de l’organisation.
Selon le site d’information Mediapart, membre du réseau d’investigation journalistique European Investigative Collaborations (EIC), qui a collaboré à l’enquête, la campagne d’espionnage a notamment ciblé l’eurodéputé français Pierre Karleskind (Renaissance), président de la commission pêche du parlement européen, mais aussi la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, et le compte de la Commission européenne.
Ce logiciel espion, et ses variantes renommées, peuvent accéder à des quantités incontrôlées de données sur les appareils. Il peut infiltrer un appareil lorsque l’utilisateur clique simplement sur un lien malveillant, mais il peut également être diffusé via des attaques tactiques, qui peuvent infecter silencieusement les appareils à proximité. Il a été vendu fin 2020 par la société française Nexa aux autorités vietnamiennes pour 5,6 millions d’euros, via une série d’intermédiaires à l’étranger.
Le pays est depuis des années dans le viseur de la Commission européenne, qui lui reproche des efforts insuffisants pour lutter contre la pêche illicite.
En octobre 2017, la Commission européenne avait donné un « carton jaune » au Vietnam sur l’insuffisance des mesures prises pour lutter contre la pêche illégale. L’avertissement invitait les autorités vietnamiennes « à s’engager dans une procédure formelle de dialogue pour résoudre les problèmes identifiés et mettre en œuvre le plan d’action. » L’avertissement de la carte n’a pas empêché l’importation de poisson et de produits de la mer du Vietnam vers l’UE, mais a indiqué que le Vietnam risquait d’être considéré comme un pays non coopérant.
Des parlementaires américains, la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, et plusieurs médias et journalistes ont également reçu via le réseau social des liens malveillants imitant des sites d’information, en réalité liés à l’infrastructure technique de Predator.
L’analyse du compte utilisé pour cette campagne met en lumière “des intérêts communs avec les autorités vietnamiennes”.
Le rapport n’établit pas si les cibles de cette campagne d’espionnage ont réellement été infectées.
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