Truong Huy San, 64 ans, a été condamné jeudi 27 février à deux ans et demi de prison par un tribunal vietnamien pour « abus des libertés démocratiques », en raison de ses publications sur Facebook traitant de l’environnement, de la corruption et d’autres sujets d’actualité.
Selon les médias d’État, citant l’acte d’accusation, San « a rassemblé des informations et des documents, rédigé et publié de nombreux articles sur sa page Facebook personnelle – Truong Huy San (Osin Huy Duc) – entre 2015 et 2024 ». Treize de ces articles auraient porté atteinte aux intérêts de l’État ainsi qu’aux droits et intérêts légitimes d’organisations et d’individus.
« Ses publications ont suscité de nombreuses interactions, commentaires et partages, impactant négativement la sécurité publique et l’ordre social », ont rapporté les autorités. Lors de son audience, San a affirmé ne pas avoir cherché à s’opposer au Parti communiste ou à l’État en publiant ces articles. Il a assumé la responsabilité de ses écrits et présenté ses excuses aux institutions et aux personnes concernées.
Dans sa déclaration finale, il a reconnu avoir enfreint la loi et demandé une réduction de peine, espérant ainsi « pouvoir continuer à participer à des activités sociales », a rapporté l’agence de presse vietnamienne.
D’un soldat à un écrivain engagé
San a rejoint l’armée nord-vietnamienne à 18 ans et a servi au Cambodge pendant l’occupation vietnamienne des années 1980. Il s’est ensuite tourné vers le journalisme, écrivant pour plusieurs publications, dont Tuoi Tre, Thanh Nien, Dien Dan Doanh Nghiep, Nong Thon Ngay Nay et Sai Gon Tiep Thi.
Après des tensions avec les autorités, il s’est lancé dans le blogging et l’écriture. En 2012, il publie The Winning Side, qui offre une perspective sur la guerre du Vietnam (1954-1975). L’ouvrage, interdit d’accès libre au Vietnam, a renforcé sa notoriété. Sa page Facebook, qui comptait plus de 350 000 abonnés avant d’être supprimée, traitait notamment des questions environnementales, de la campagne anti-corruption « fournaise ardente » menée par l’ex-secrétaire général du Parti communiste Nguyen Phu Trong, et de la corruption au sein du ministère de la Sécurité publique sous la direction de To Lam, l’actuel secrétaire général du Parti.
Une condamnation dénoncée
Après le verdict, Phil Robertson, directeur d’Asia Human Rights and Labour Advocates, a estimé que les aveux et les regrets de San avaient probablement conduit à une peine plus clémente. Il a néanmoins dénoncé une décision qui illustre, selon lui, la violation systématique de la liberté d’expression au Vietnam.
Arrêté le 7 juin 2024, Truong Huy San reste en détention malgré les appels internationaux réclamant sa libération.
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