Par Guy Mettan, journaliste indépendant basé à Genève
Au Vietnam, la “diplomatie de la puce et du bambou”
Fin 2022, j’avais publié un grand reportage sur les transformations économiques du Vietnam en visitant notamment la grande usine de voitures électriques Vinfast à Haiphong. Une amitié me lie à ce pays depuis vingt-cinq ans. Au début des années 2000, j’avais dû m’y rendre à de multiples reprises pour préparer un livre sur les Accords de Genève qui avaient mis fin à la guerre d’Indochine en 1954 et j’avais pu rencontrer nombre d’anciens combattants de Dien-Bien-Phu, dont le fameux général Giap. La rapidité des changements intervenus depuis lors est fascinante.
A l’occasion de la venue du Premier ministre vietnamien au Forum de Davos, le moment est donc venu de refaire le point. L’an dernier, la “diplomatie de la puce et du bambou” n’a pas chômé. Profitant à fond des opportunités que lui a données la conjoncture internationale, avec la montée en puissance des BRICS et la rivalité croissante entre l’Occident (Etats-Unis, Europe, Japon et Corée du Sud) d’une part et la Chine et la Russie de l’autre, Hanoï a multiplié les visites d’État et les partenariats avec les deux camps.
Ferme et flexible, coriace et souple, le Vietnam oscille et balance comme un bambou en captant la moindre brise et en se riant des tempêtes qui secouent le globe. Il étend discrètement ses rhizomes dans toutes les directions, comme la plante fétiche qui peuple ses forêts.
L’an dernier, le pays s’est ainsi engagé dans une série d’échanges de haut niveau aussi bien avec la Chine qu’avec les États-Unis, accueillant à la fois une visite d’État du président chinois Xi Jinping et une visite d’État du président américain Joe Biden, avec qui a été signé un “partenariat stratégique intégral”.
À ce jour, six pays ont bénéficié de ces partenariats : la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde, la République de Corée et les États-Unis. L’Australie devrait rejoindre le club cette année. Une visite du président Macron est attendue dans le courant de l’année. La France cherche en effet à renforcer les liens en matière de sécurité et de développement des infrastructures. Autre initiative diplomatique inédite, en direction du Vatican cette fois : depuis décembre, Hanoï accueille un représentant du pape pour la première fois depuis 1945.
Enfin le Vietnam entend profiter de sa présence au Forum économique mondial pour avancer dans les domaines qui lui tiennent à cœur : innovation agricole, transformation verte, dé-carbonisation, réduction des déchets et du plastique, transition énergétique et numérique, création d’un pôle de développement de la quatrième révolution industrielle. Une rencontre avec la présidente de la Confédération Viola Amherd est également prévue, dans l’espoir de faire avancer l’Accord de libre-échange Vietnam-AELE.
Avec 5,05% en 2023, la croissance a été légèrement au-dessous des attentes. Mais le pays s’attend à une croissance du PIB de 6 à 6,5 % en 2024 grâce à des importations et des exportations robustes, ainsi qu’à une activité manufacturière plus forte.
Hanoï a l’ambition de devenir un nouveau centre de l’industrie des semi-conducteurs et y met les moyens. L’industrie des semi-conducteurs connaît un fort développement avec une série de projets d’investissements de l’ordre du milliard de dollars. Il compte maîtriser 100 % des étapes de production de puces « Made in Vietnam » et entend former 50 000 ingénieurs spécialisés d’ici 2030.
Comme l’Inde et les pays du Sud-Asiatique, le Vietnam profite de la perte d’attractivité de la Chine. Il attire de plus en plus de grandes industries des semi-conducteurs en provenance des États-Unis, de Corée et de Taiwan avec des investissements supérieurs au milliard de dollars, comme Intel (1,5 milliard de dollars), Hana Micron Vina de Corée (600 millions, qui devrait atteindre le milliard en 2025), Amkor Technology Group of Korea (1,6 milliard). Samsung est également sur les rangs. Aujourd’hui, le Vietnam représente plus de 10 % de la quantité totale de puces semi-conductrices importées aux États-Unis, se classant au troisième rang des exportations de puces aux États-Unis, après la Malaisie et Taïwan.
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